19-04-2024 10:55 AM Jerusalem Timing

En Syrie, Daesh résiste après une semaine de frappes, selon des experts

En Syrie, Daesh résiste après une semaine de frappes, selon des experts

Les frappes ont forcé l’EI à abandonner ses positions les moins discrètes.

Les frappes lancées il y a une semaine par les Etats-Unis et ses alliés en Syrie semblent avoir eu un impact limité sur le groupe de l'Etat islamique (EI), fort de sa flexibilité, selon des experts.
   

La progression de l'EI a-t-elle ralenti?

Les experts estiment qu'il est très prématuré de dresser un premier bilan des frappes qui, depuis le 23 septembre, ont forcé l'EI à abandonner ses positions les moins discrètes.
   
"L'EI est moins visible qu'avant. On voyait des patrouilles jihadistes dans les villes qu'ils contrôlent mais aujourd'hui elles ont disparu", affirme à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Mais "les jihadistes se sont mêlés à la population", dit-il. Ils ont ainsi placé leurs blindés au milieu d'une localité de l'est du pays, provoquant la colère des habitants.
   
Pour Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie à l'université d'Edimbourg, l'EI n'est pas "une armée régulière mais une organisation relativement flexible et donc peu dépendante d'infrastructures fixes". L'abandon de certaines d'entre elles ne représente donc pas un "problème insurmontable" pour lui, estime-t-il.
   
Les frappes ont par ailleurs provoqué la mort de quelque 200 jihadistes, selon le décompte de l'OSDH, mais ont très peu fait pour contenir la progression de l'EI, notamment sur le front kurde.
   
Le groupe extrémiste a ainsi poursuivi son avancée vers Aïn al-Arab (Kobané en kurde), troisième ville kurde de Syrie presque totalement assiégée depuis le 16 septembre. L'EI n'était plus mardi qu'à cinq kilomètres de la cité après avoir pris cinq nouveaux villages depuis le début des frappes et bombardé pour la première fois la ville elle-même.
   
Le groupe jihadiste avance également près de la frontière avec l'Irak: il s'est emparé de localités dans la province de Hassaka et a tué une cinquantaine de combattants kurdes.
   
 

A-t-il gagné de nouveaux sympathisants?
  

Si les frappes ont été bien accueillies par l'opposition modérée, les experts estiment que l'EI s'est attiré une nouvelle sympathie parmi une partie de ses ennemis, qui partagent son aversion des Etats-Unis.
   
"Le fait que c'est l'Amérique qui a frappé a poussé des islamistes syriens qui détestent l'EI à s'opposer aux frappes et à utiliser la même terminologie de 'campagne croisée contre l'islam', soutient M. Abdel Rahmane. Selon lui, plus de 70 jihadistes, dont quatre Européens, se sont ralliés au groupe depuis le début des frappes.
   
L'EI est haï par les rebelles syriens qui accusent le groupe de leur avoir volé leur "révolution" contre le pouvoir de Bachar al-Assad, et l'était aussi par son rival jihadiste, le Front Al-Nosra, branche d'Al-Qaïda en Syrie.
   
Mais aujourd'hui, "la communauté jihadiste semble resserrer ses rangs, même si c'est à un degré limité", signale Aron Lund, spécialiste de la Syrie au Centre Carnegie. "Des prêcheurs jihadistes sont aujourd'hui réticents à l'idée de critiquer durement l'EI en pleine confrontation directe avec les Etats-Unis".
   
En outre, les frappes ayant visé des combattants d'Al-Nosra ont provoqué la surprise voire la colère de rebelles syriens, qui considèrent la branche d'Al-Qaïda comme un allié de poids dans la lutte contre le régime.
   
La mort d'au moins 22 civils, les frappes visant des infrastructures économiques et le fait qu'il n'y en ait pas contre le pouvoir d'Assad contribuent également à un sentiment de ressentiment à l'égard de la campagne.
   
   
L'EI est-il touché au portefeuille?

Les frappes ont visé de nombreuses raffineries artisanales contrôlées par l'EI dans l'est syrien qui, selon l'armée américaine, rapportaient environ 2 millions de dollars quotidiens aux jihadistes.
   
Mais, selon les experts, la majorité du pétrole vendu par l'EI est du brut non raffiné, extrait d'une centaine de puits qui sont toujours en activité pour la plupart.
"Ces frappes n'affecteront pas son économie de façon décisive", signale Romain Caillet, expert des mouvements jihadistes.
 Conoco, le plus grand champ gazier sous le contrôle de l'EI visé par les frappes, "ne représente pas une manne importante pour le groupe" hormis "pour l'électricité produite qui alimente le territoire sous son contrôle", selon lui.
   
En frappant des silos de grains et des raffineries produisant du mazout juste avant l'hiver, la coalition essaie de "briser le moral d'une partie de la population qui soutient l'EI" en espérant qu'elle "se révolte contre lui", indique M. Caillet.